Site icon Epreuves Zéro Examens 2024

Correction sujet 1 épreuve de philosophie au bac A et ABI 2020

Correction sujet I

Sujet I : La philosophie est-elle nécessairement fille de son temps ?
I. Compréhension du sujet
Le sujet, libellé sous forme interrogative, convie le candidat à trois tâches conceptuelles essentielles :
• Montrer en quoi la philosophie est tributaire de son milieu d’enracinement et ne semble pas aller au-delà, ce qui témoignerait de l’ancrage du discours philosophique dans l’actualité du vécu ;
• Réagir en formulant des objections contre cette lecture réductionniste en indiquant en quoi la philosophie transcenderait son temps et son milieu originel pour revêtir une dimension universelle et continuelle ;
• En déduire, comme esquisse de solution finale, une certaine ambivalence de la philosophie qui, quoi que partant généralement des problèmes spécifiques à un espace donné et à un temps donné, a cependant la capacité à se généraliser, s’universaliser dans une perpétuité qui la rend apte à rechercher aux problèmes constants des solutions pérennes.

II. Introduction
Définitions
• Philosophie : réflexion critique et rationnelle sur les questions fondamentales qui hantent l’esprit humain / pensée critique articulée autour des problèmes existentiels de l’homme et du monde.
• Être fille : être le produit ; revêtir la coloration, résulter ;
• Nécessairement : sans restriction, immanquablement, inévitablement, absolument, sans doute, etc.
• Temps : moment, actualité, période, traduit l’enracinement dans le temps et dans l’espace.
Identification du problème : la nature du rapport de la philosophie au temps (ensemble des événements qui structurent L’existence d’un peuple à un moment donné de l’histoire / contextualisation de la philosophie / l’actualité du discours philosophique/ origine ou fondement du discours philosophique.
Construction de la problématique :
Est-il possible de limiter la philosophie à un temps précis seins remettre en cause sa prétention comme pensée du général et de l’universel et sien du particulier et de l’instant ?
La philosophie, comme pensée critique, est-elle inévitablement assujettie aux problèmes de son époque, sans pouvoir aller au-delà ? N’échappe-t-il pas il la temporalité pour revêtir une dimension universelle et atemporelle ?
Le discours philosophique, comme expression et quête de la vérité est-il toujours fondé sur les questions qui émaillent l’actualité ?

III. Plan possible
Le sujet ainsi analysé nous permet d’envisager un plan ternaire qui peut se décliner ainsi qu’il suit :
III.1 Thèse : La philosophie serait liée à un contexte précis à partir duquel elle se justifierait ‘
Idée 1 : La philosophie comme discours d’intellection, de compréhension, de rationalisation du monde.
Selon Hegel, « la philosophie a pour tâche d’élaborer les fondements du rationnel, elle est la saisie de ce qui est présent et effectivement réel. »
Idée 2 : La philosophie émerge de la praxis quotidienne des hommes et des peuples. Elle en porte l’empreinte, la coloration et la saveur. Ainsi, Marx montre que « les philosophes ne sortent pas de terre comme des champignons » ; ils sont toujours les fruits de leur époque, la quintessence, la manifestation consciente et vivante de l’infrastructure économico-matérielle qui les tonifie et les vivifie.
Idée 3 : La philosophie épouse et exprime le mouvement de la société. Selon Sartre, «la philosophie se constitue pour donner son expression au mouvement général de la société. »
Idée 4 : Le philosophe est alors vu comme celui instruit la société. Njoh-Mouelle le considère comme « l’oracle de la société » : « Le philosophe est comme l’oracle d’une société. […] Il réfléchit, c’est-à-dire analyse, compare, confronte le réel avec l’idéal qu’il porte en lui, confronte la laideur existante avec le beau devant être, l’injustice existante avec la justice devant être, bref, le désordre existant avec Perdre devant être. Il a le sens de l’humain et cela au fond, appuyé sur la raison universelle, qui sert de critère à toutes ses entreprises. »
Idée 5 : Il s’ensuit une dénonciation de tout projet philosophique abstrait, coupé du vécu des hommes pour autant que comme le dit Mikel Dufrenne, « le destin de la philosophie est lié à l’intérêt qu’elle porte à l’homme ».
Conclusion partielle : Ainsi, la philosophie apparaît tout d’abord comme la « pensée de l’instant », la « pensée d’un instant » et ne peut donc pas extrapoler le contexte originel sans se trahir, du moins s’atténuer.
Transition : Mais une philosophie trop prisonnière de son époque ne se condamne-elle pas à une efficacité limitée ? La philosophie n’est-elle pas plus la pensée du général que celle du particulier ?
III.2. Antithèse : La philosophie comme pensée du général et de l’universel, transcende le temps et l’espace.
Idée 1 : La philosophie, comme le montre Mikel Dufrenne, dans son ouvrage ‘’Pour I ‘homme’’, est « un discours d‘un homme qui s’adresse aux hommes pour leur parler de l’homme et du monde. » Or, l’homme est partout et toujours le même
Idée 2 : La résurgence des mêmes problèmes et leur permanence oblige la philosophie à développer un discours renouvelé certes, mais qui s’articule selon une certaine constance.
Idée 3 : Le discours philosophique se caractérise par son universalité et surtout sa généralité.
Pour Aristote, « il n’y a de science que du général » , et Hegel dira plus tard que la philosophie est la pensée du général et non du particulier. Il s’agit là de l’une des Raisons ayant conduit Hegel à exclure les Africains du champ de la philosophie au motif que ceux-ci pensent le particulier et non le général, ils pensent l’instant et non le mouvement continu de l’histoire (Hegel, Leçons sur l ’histoire de la philosophie).
Idée 4 : La philosophie n’a l’intérêt que par son désintéressement. Elle est utile par sa distanciation par rapport au quotidien, laquelle lui permet de mieux connaître et de bien réfléchir. Pour Aristote, dans La Métaphysique, « ce fut pour échapper à l’ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie » et non pour une fin utilitaire quelconque.
Cette distanciation permet, selon Raymond Aron, de cultiver «la philosophie pour la seule philosophie ».


Idée 5 : Le philosophe est donc un homme libre par rapport à la temporalité et à la spatialité.
C’est une pensée de la transcendance. Il est l’homme de partout certes, mais finalement de nulle part. il se situe toujours, selon Jankélévitch, « quelle que part dans l’inachevé ». La quête philosophique de la vérité ignore toute longitude et toute latitude.
Idée 6 : Avec Platon, la philosophe échappe à la contingence du monde sensible pour, via l’ascension dialectique, s’élever à la contemplation de vérités éternelles. Le monde des Idées, de l’épistémè est le lieu par excellence de connaissances absolues, parfaites échappant au balancement et au changement incessant. La philosophie est donc, non pas quête d‘une vérité, celle du moment, mais quête de la vérité absolue qui transcende l’historicité et la temporalité.
Socrate est Socrate, non pas parce qu’il a de particulier comme Athénien, mais parce qu’il a le général comme modèle moral.
Conclusion partielle : La philosophie apparaît donc inexorablement comme pensée transcendant, générale et universelle. En cela, elle n’a ni coloration de lieu ni saveur d’un espace précis.
Transition : Mais, si la philosophie aspire à l’universalité, C’est-à-dire à transcender l’espace et le temps, comment en définitive situer la pertinence du discours philosophique ?
III.3 L’ambivalence caractéristique de la philosophie : La philosophie comme pensée de l’universalité et de la particularité
Idée l : La réflexion philosophique doit allier la pensée de l’instant et celle du mouvement continu de l’histoire. Ainsi, selon Jean Wahl, « toute philosophie est méditation sur le dedans et le dehors et sur tout ce qui transcende le dedans et le dehors. »
Idée 2 : En tant qu’expression de la sagesse humaine ‘dans sa transversalité et son universalité, la pensée philosophique, quand bien même elle résulterait d’un individu et d’une époque, serait toujours susceptible d’exercer une influence décisive sur la postérité.
L’histoire de la philosophie est en même temps une philosophie de l’histoire, capable d’enrichir et d’outiller l’existence des hommes aux divers âges de l’histoire. En ce sens, la morale d’Epicure, les maximes de La Rochefoucauld, la sagesse socratique de la mort et le rigorisme moral kantien constituent, aujourd’hui encore, un inépuisable patrimoine, autant dire des prémisses incontournables à toute vraie didactique de l’existence.
Idée 3 : Cette double caractérisation de la philosophie ressort clairement des versants de la dialectique platonicienne : le philosophe s’élève jusqu’à la contemplation (mouvement général, universel); il redescend ensuite dans la caverne pour y impulser et opérer des changements (mouvement particulier suivant le milieu où on veut implémenter ses idées).
Idée 3 : Il faut donc distinguer entre les problèmes urgents auxquels doit s’attaquer instantanément la philosophie, ct les problèmes sérieux, les vrais, ceux-là, à cause de leur pérennité et de leur universalité, résistent à l’usure du temps et deviennent éternels. C’est pourquoi, nous dit Ludwig Wittgenstein, dans les Remarques philosophiques, « il n’y a rien de plus merveilleux au monde que les vrais problèmes de philosophie. ». C’est par leur capacité à poser et à se préoccuper de ce genre de problèmes qu’on reconnaît la valeur des grands et des vrais philosophes.
Idée 4 : La philosophie apparaît alors, selon une belle expression empruntée à Edgar Morin, dans ‘’Une politique de civilisation’’, comme une pensée « globale >> (think global and act local), c’est-à-dire qui parvient à conjuguer le global (universel) et le local (particulier).
Idée 5 : la philosophie est un usage rationnel et impersonnel de la pensée dans la résolution des problèmes de l’homme : (e La philosophie est une activité discursive, qui a la vie pour objet, la raison pour moyen et le bonheur pour but. » (André Comte-Sponville, Une éducation philosophique) Conclusion partielle : On le voit, la vraie philosophie est celle qui, tout en s’enracinant dans la pratique et le vécu quotidien des hommes et (les peuples, peut s’universaliser et transcender la temporalité.

IV. Conclusion
• Rappel du problème soulevé par la question posée
• Rappel succinct de la thèse et de sa critique
• Solution personnelle au problème (et ouverture).

Quitter la version mobile